Le conflit, la violence, le manque de ressources de base et la détresse psychologique au Soudan ont poussé les féministes soudanaises à redéfinir leurs voix féministes. Cet article tente d'observer ces choix et d'analyser comment ils affectent l'avenir de la justice abolitionniste au Soudan.
Les féministes ont des points de vue différents sur le militarisme. Certaines féministes acceptent l'existence d'institutions destinées à monopoliser la violence et les outils de violence, comme l'armée, la police, etc. Au lieu de cela, elles estiment que davantage de femmes devraient intégrer ces institutions, afin d'introduire des pratiques plus sensibles au genre et centrées sur les femmes. Beaucoup de ces femmes adhèrent à l'agenda des Nations Unies sur les Femmes, la Paix et la Sécurité (WPS).
D'autres adoptent une perspective plus radicale, anti-militariste et abolitionniste. Ces dernières perçoivent l'existence même de l'armée comme une menace directe aux vies et à la prospérité des femmes. Elles estiment qu'il faut éradiquer les institutions de violence plutôt qu'à leur réforme. D’autres considèrent également l'utilisation de la violence dans la résistance armée contre l'injustice et l'hégémonie, non seulement comme une nécessité, mais comme un acte féministe noble.
L'histoire et l'expérience nous démontrent que non. Les manières dont nous comprenons les principes féministes et les mettons en pratique peuvent être influencées par des facteurs externes ainsi que des changements dans le contexte. L'émergence de conflits armés et de la guerre est un exemple de changement de contexte. Lorsque la guerre éclate, le discours féministe est affecté par des processus plus larges de militarisation de la société. Les féministes abolitionnistes font partie de ces processus, mais il est crucial de considérer comment cette militarisation pourrait façonner les notions féministes de justice, en particulier en ce qui concerne les positions féministes abolitionnistes.
Après le déclenchement de la guerre au Soudan le 15 avril 2023 entre les Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces de soutien rapide (FSR), un discours « Non à la guerre » a émergé au sein de la société civile soudanaise, avec un hashtag populaire #LaLilHarb qui est devenu viral sur les réseaux sociaux soudanais. Le discours politique « Non à la guerre » n’était pas intentionnellement ou consciemment abolitionniste, mais il prônait un processus politique non-violent et reconnaissait qu'une victoire militaire était impossible. Et même si cette victoire avait été possible, elle serait venue au prix de tant de vies soudanaises.
Les négociations de paix de Djeddah initiées par l'Arabie Saoudite et les États-Unis ont obtenues un soutien populaire. Bien qu'elles aient échoué à instaurer un cessez-le-feu, une condamnation croissante des FSR est devenue apparente. Cela était en partie le résultat des atrocités commises par les FSR contre les civils, des destructions du patrimoine culturel et des infrastructures, et des preuves de crimes de nettoyage ethnique et de génocide dans différentes régions du Soudan. Cela a engendré des prises de position de plus en plus militarisées à travers la société civile soudanaise, et en particulier parmi les groupes féministes. Ces positions militarisées ne devraient pas être réduites à un paradigme binaire de soutien à l'une ou l'autre des parties, SAF ou FSR.
Par exemple, certaines femmes dans des États soudanais comme la Mer Rouge, le Kordofan et le Nil Bleu ont suivi une formation militaire, en conjonction avec l'appel des SAF à la mobilisation populaire (Al-istinfar Alsha’abi), mais principalement pour développer leurs capacités d’autodéfense. Avec une longue histoire de violations des droits humains contre les civils, la jeunesse, les militantes et les civils au Darfour ont perçu la lutte contre les FSR comme une responsabilité pour protéger leur terre et leurs peuples, même indépendamment de la structure de commandement des SAF.
D'autre part, les Soudanais vivant dans des zones contrôlées par les FSR sont confrontés à des attaques aériennes menées par les SAF. Parfois, ces agressions sont commises dans des zones civiles, entraînant des pertes en vies humaines parmi les civils. Le gouvernement de facto soudanais dirigé par les SAF a également mis en place des décisions telles que l'introduction de nouveaux billets de banque, dans le but d'annuler l'argent volé par les FSR. Bien que cette décision soit justifiée comme une tentative du gouvernement de restaurer son système bancaire, elle a automatiquement exclu les Soudanais dans les zones contrôlées par les FSR qui n'auront pas accès à cette nouvelle monnaie. Encore une fois, certaines femmes et féministes, de certaines régions et groupes ethniques au Soudan, n'ont pas l’embarras du choix, et se trouvent motivées de façon existentielle à soutenir vers les FSR.
Le discours politique féministe militarisé actuel, qu'il soit du côté des SAF ou des FSR en tant que parties principales au conflit, affectera tout futur processus politique et persistera au-delà de la période actuelle de conflit actif. Il n'y aura presque aucun espace pour la réflexion abolitionniste sur la justice et la punition, car la morale actuelle repose sur le militarisme et la violence. En fait, un discours anti-abolitionniste devrait se développer en raison de la situation sécuritaire et humanitaire désastreuse que traverse le Soudan. Ce discours affirme que le pays ne sera en sécurité qu'à travers un appareil sécuritaire fort et rigide.
Cela n’est pas nouveau pour le Soudan. Après l'Accord de paix global soudanais (APG) en 2005, des institutions de sécurité comme le Service national de renseignement et de sécurité (NISS) sont devenues plus puissantes que jamais sous le prétexte de « stabilité ». Les FSR eux-mêmes sont considérés comme un produit de cet accord, car ils croyaient que la formalisation des « Janjaweed » sous une force paramilitaire officielle les disciplinerait. Tout récemment, les forces de police à Khartoum-Est ont envahi les locaux des comités de résistance d'Elgereif, détruisant des œuvres de graffitis qui commémoraient les martyrs de la révolution soudanaise de 2018, dans une tentative de réprimer et d'effacer toute trace de travail révolutionnaire.
Cela ne veut pas dire que les féministes soudanaises ne sont pas conscientes de cette trajectoire attendue des événements. Mais les voix féministes ne se sont pas faites assez entendre ni n’ont été assez fermes pour dénoncer cette militarisation populaire. Superficiellement, ce discours anti-abolitionniste semblera être une tentative de protéger le peuple soudanais contre l'insécurité directe du conflit et de la violence, mais ce sera en réalité un processus de renforcement du complexe militaire, et par défaut d'autres systèmes d'oppression comme le capitalisme patriarcal.
Les guerres sont essentiellement une manifestation extrême des menaces à la survie, une situation qui pousse nos boussoles morales à leurs limites. En tant que féministes soudanaises, nous reconnaissons continuellement nos positions politiques variées, liées à la race, à l'ethnicité et à la classe socio-économique. Notre relation avec l'État n'est ni neutre ni uniforme. Pourtant, nous tentons continuellement de créer des points communs en quête d'une possibilité collective pour une réalité meilleure pour les Soudanais. Ce que nous devons apprendre, et peut-être plus urgemment nous rappeler, c’est que nos rêves féministes transcendent la question de savoir quelle partie belligérante est la plus horrible ou détient plus de légitimité. Le militarisme et le féminisme ne peuvent véritablement coexister lorsqu'il s'agit de curiosité intellectuelle, d'imagination et d'espoir radical. Cette guerre a réussi, dans une certaine mesure, à militariser nos positions féministes – Mais nous ne devons pas la laisser nous voler notre curiosité. Nous devons continuer à être des féministes curieuses.
Samar Abushama est une militante et praticienne de la paix féministe et de la justice transitionnelle. Elle travaille en tant que gestionnaire de projet chez Adeela for Culture and Arts, où elle dirige une plateforme et une archive axées sur la documentation des violations des droits humains.
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de la Friedrich-Ebert-Stiftung.
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