Cet article analyse les luttes constantes des femmes dans leur quête d’autonomie économique et politique, en mettant l’accent sur les politiques historiques et contemporaines qui entravent leurs opportunités. Cette lutte ne se limite pas aux droits économiques, mais va encore plus loin pour que les femmes soient reconnues comme partie intégrante de leurs communautés.
Dans de nombreux pays de la région MENA, les régimes autoritaires exercent une influence considérable sur l’indépendance économique et l'autonomie corporelle des femmes. Pourtant, dans des pays tels que l'Égypte et la Tunisie, certaines femmes défient les traces de l'oppression coloniale et les pratiques autoritaires contemporaines qui les perpétuent. La productivité économique repose sur la justice pour les femmes parce qu’elle prend en compte les divers défis auxquels elles sont confrontées en raison de facteurs d'intersection comme le genre, la classe et l'ethnicité. En accordant aux femmes une autonomie grâce à un accès équitable à l'éducation, à des salaires justes et à des droits légaux, la lutte contre les inégalités systémiques et la stimulation de l'économie mondiale seraient alors possibles. Quand les contributions des femmes sont valorisées et encouragées, les communautés acquièrent alors plus de résilience, la pauvreté diminue et le développement durable est réalisé. Grâce à cette approche intersectionnelle, les politiques économiques sont inclusives, profitant ainsi à toute la société et favorisant une croissance économique à long terme.
Mis à part la productivité économique limitée, les contraintes imposées aux femmes mettent également en évidence une crise d'identité et d'autonomie plus profonde qui affecte tous les aspects de la vie des femmes. Cet article analyse les luttes constantes des femmes dans leur quête d’autonomie économique et politique, en mettant l’accent sur les politiques historiques et contemporaines qui entravent leurs opportunités. Cette lutte ne se limite pas aux droits économiques, mais va encore plus loin pour que les femmes soient reconnues comme partie intégrante de leurs communautés.
Plusieurs gouvernements de la région MENA adoptent de nombreuses pratiques autoritaires qui remontent à l'époque coloniale. Sous le mandat Français, Italien et Britannique, plusieurs pays de la région ont été amenés à adopter des systèmes de gouvernance axés sur l'extraction coloniale plutôt que sur le développement local, marginalisant ainsi toute dissidence. Ces politiques ont souvent transformé les femmes en de simples outils de gain économique, à travers l'exploitation du travail d’une part, ou en les utilisant comme des symboles de contrôle culturel d’autre part. De nos jours, les traces de cet héritage colonial restent visibles dans les lois du travail et les normes sociétales qui régissent les rôles et les droits des femmes dans la région.
Pendant l'occupation Britannique de l'Égypte, les Britanniques ont instauré et maintenu un régime autoritaire en centralisant le pouvoir, démantelant les structures de gouvernance locale et imposant des politiques qui réprimaient la dissidence. Ils ont établi une monarchie fantoche et contrôlé l'administration, assurant ainsi le respect des intérêts Britanniques par une présence militaire et des tactiques coercitives. Ce contexte autoritaire a facilité l'exploitation des ressources et de la main-d'œuvre pour le profit colonial. Dans des secteurs comme l'agriculture et la fabrication de textiles, le travail des femmes a été particulièrement ciblé. Les Égyptiennes et Égyptiens ont été contraints de cultiver des récoltes répondant aux besoins de l'occupation Britannique dans des camps agricoles. Des milliers d'Égyptiennes et d’Égyptiens ont été forcés de travailler dans des fermes, souvent sans rémunération. Cent ans plus tard, cette exploitation du travail des femmes persiste.
De même, en Tunisie, les Français ont établi un régime autoritaire en instaurant un système de protectorat qui a soumis le gouvernement local aux autorités françaises. Ils ont réprimé l'opposition politique, contrôlé les ressources économiques et imposé des politiques renforçant les hiérarchies sociales. Les Français ont également exploité la main-d'œuvre tunisienne et la production agricole à leur profit, perpétuant ainsi les inégalités économiques et sociales qui ont entravé le développement de la Tunisie.
Il faudrait ajouter que la marginalisation économique des femmes dans la région est souvent justifiée par des interprétations patriarcales des normes culturelles, dont beaucoup sont les traces d’idéologies coloniales basées sur le genre et le pouvoir. Pendant le colonialisme, les puissances Européennes ont fréquemment imposé leurs normes et rôles basés sur le genre aux sociétés assujetties. Cela a parfois aggravé les disparités de genre existantes ou a introduit de nouvelles normes patriarcales qui vont de pair avec les intérêts coloniaux, comme le contrôle des populations locales et le maintien d'un ordre social facilitant l'exploitation économique. Aujourd’hui, dans plusieurs régions de la MENA, ces influences historiques perdurent, s'entremêlant avec les traditions locales et les interprétations patriarcales pour justifier la marginalisation économique continue des femmes. Cette marginalisation se manifeste dans différentes situations, telles que l'accès limité à l'éducation pour les femmes, moins d'opportunités de travail et des salaires inférieurs à ceux des hommes.
Les régimes autoritaires contemporains de la région MENA ont exploité ces contextes historiques pour limiter les droits des femmes et maintenir le système qui exploite leur travail. En Égypte, par exemple, les femmes sont toujours victimes de discrimination dans l'emploi. Bien que cela ne soit pas explicitement stipulé dans la loi, le secteur privé montre une préférence bien claire pour l'embauche des hommes plutôt que des femmes, en partie en raison des coûts plus élevés associés aux employées, tels que le congé de maternité. Les femmes souffrent également de disparités salariales significatives par rapport aux hommes et sont souvent victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Les normes patriarcales, associées au cadre juridique imposé par le régime autoritaire, créent un environnement difficile dans lequel les femmes luttent pour faire valoir leurs droits, leur autonomie et leur égalité.
L'autoritarisme maintient le statu quo en étouffant les tentatives de réforme. En Tunisie, les activistes affirment que le président Kais Saied utilise "l'autonomisation des femmes" comme alibi, et que sa nouvelle constitution annule des acquis difficilement obtenus, mettant en évidence un déclin de la situation économique et sociale des femmes. L'établissement d'une nouvelle constitution, qui a finalement remplacé la démocratie parlementaire hybride de la Tunisie par un système conférant au président des pouvoirs élargis, a suscité des inquiétudes quant à l'avenir de l'autonomie des femmes. Le nombre de femmes occupant des postes gouvernementaux est impressionnant en apparence, mais cela ne se traduit souvent pas par une véritable autonomisation ou une avancée des droits des femmes. Selon les critiques, l'approche actuelle du gouvernement en matière de représentation des femmes est symbolique – c'est-à-dire qu'elle relève davantage de l'apparence que du changement substantiel – car les politiciennes n’occupent pas généralement des postes de véritable pouvoir ou de prise de décision. Cette utilisation symbolique du discours sur l'autonomisation des femmes par le régime actuel pose un défi aux progrès précédemment réalisés en matière d'autonomie des femmes en Tunisie, signalant une régression potentielle plutôt qu'une avancée.
En Égypte et en Tunisie, la lutte pour l'autonomie économique et politique des femmes constitue une force majeure pour contrer l'autoritarisme. Il est essentiel de comprendre et d’examiner les origines historiques de l'autoritarisme et du patriarcat pour réaliser de réels progrès afin d’atteindre la justice économique et sociale pour les femmes dans les pays de la région MENA. Il est essentiel que la communauté internationale et les gouvernements locaux collaborent pour mettre fin à ces pratiques autoritaires et soutenir l'autonomisation des femmes, en reconnaissant leur rôle essentiel dans la réalisation d'un développement et d'une prospérité significatifs.
Ritaj Ibrahim est cofondatrice et directrice de projets de l'organisation Kun. Elle est également écrivaine et militante intersectionnelle, concentrant son travail sur le genre et la sexualité dans la région SWANA.
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de la Friedrich-Ebert-Stiftung.
Le Bureau Genre et Féminisme
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