L'article examine la violence systématique contre la santé reproductive et la sexualité des femmes palestiniennes, dépeignant l'utérus à la fois comme une cible d'agression et un outil de résistance au milieu de la lutte continue en Palestine.
La fertilité et la sexualité des femmes ont longtemps été la cible de violence lors des guerres et des génocides. En Palestine, Israël a toujours vu dans le rôle reproductif des femmes Arabes une "menace démographique", les soumettant ainsi à une violence systématique afin de perturber la reproduction culturelle, sociale et biologique du peuple Palestinien. Les tactiques d’Israël comprennent non seulement le refus d’assurer un accès aux services de santé et la destruction des installations médicales, mais aussi la violence ciblée contre les femmes, y compris l’humiliation psychologique, les abus physiques et le viol.
Après la Nakba de 1948, les intellectuel(le)s palestinien(ne)s ont examiné l'intersection de la libération des femmes et de la libération nationale dans le contexte Palestinien. La métaphore selon laquelle "la Palestine reflète une femme et les femmes incarnent la Palestine" est devenue un symbole important dans la lutte nationale contre l'occupation. Cette idée montre bien comment le rôle des femmes en tant que mères a été intégré dans la résistance quotidienne, donnant à cette dernière un caractère féminin.
La vie des femmes Palestiniennes est en grande partie façonnée par les rôles traditionnels relatifs au genre ; en effet, elles sont à la fois les gardiennes du foyer qui maintiennent la sphère familiale et les mères porteuses des générations futures. Alors que les Palestiniennes et Palestiniens étaient de plus en plus soumis à un contrôle militarisé par les forces Israéliennes après la Nakba, l'émergence du mouvement de résistance a donné aux femmes de nouveaux rôles non conventionnels en tant que combattantes, professionnelles, leaders de la société civile et membres de partis politiques. Néanmoins, la reproduction biologique reste primordiale dans la bataille démographique contre l'occupation, et elle continue d'être un aspect déterminant du rôle des femmes dans la lutte nationale.
Le mouvement national Palestinien reconnaît le pouvoir reproductif crucial que les femmes exercent en tant que mères de la nation. Pour la résistance, les entrailles sont une arme qui peut préserver la continuité de la communauté et compenser - dans une certaine mesure - les relations de pouvoir asymétriques avec Israël. Le leader de la résistance, le défunt Yasser Arafat, se vantait des "entrailles de la femme Palestinienne" disant qu’elles sont "l'arme la plus puissante contre le sionisme" et le présage de la victoire à venir. Et dans la mesure où les Palestiniens considèrent les "entrailles" comme une source de pouvoir, le meurtre de tant de femmes et d'enfants au cours des six derniers mois à Gaza montre clairement qu'Israël les considère comme une menace.
Au moment de la rédaction de ce blog, le Bureau Palestinien des Statistiques signale que 34,149 personnes ont été tuées par Israël dans la bande de Gaza, dont 9,220 femmes et 14,000 enfants. Israël qualifie ces dernières victimes de "dommages collatéraux". Mais lorsque nous reconnaissons que les enfants sont l'avenir du peuple Palestinien et que les femmes sont les porteuses de cette prochaine génération, nous pouvons comprendre pourquoi il ne s'agit pas d’un simple accident de guerre.
Pour de nombreuses femmes à Gaza, le seul et unique choix était de subir des accouchements traumatisants sans aucune anesthésie. Lorsque l'armée israélienne coupe le courant électrique des établissements médicaux, les médecins n'ont que leurs lampes de téléphone pour effectuer des opérations. Ajoutons que les locaux des hôpitaux ont été la cible d’intenses bombardements. Toutes ces conditions ont considérablement accru le risque de fausses couches et de naissances prématurées alors que les femmes enceintes sont soumises à un stress intense, à des traumatismes et à la peur. De nombreux nouveau-nés sont décédés au cours de la période postnatale précoce faute de carburant et d'électricité nécessaires pour maintenir le fonctionnement de leurs couveuses. En outre, le blocus a privé les femmes de quantités d’eau suffisantes pour se nettoyer convenablement après l'accouchement, et certaines sont contraintes de recourir à des hystérectomies pour contrôler les saignements post-partum. Et dans toute la bande de Gaza, la faim généralisée a empêché les mères de produire du lait maternel ou d'allaiter.
Tagreed Al-Ashqar a décrit son expérience éprouvante en donnant naissance en plein déplacement :
« J'ai accouché par césarienne. Trois jours plus tard, alors que j'avais encore des points de suture, nous avons été forcés de fuir le camp de réfugiés de Jabaliya. Et elle [la nouveau-née] ne se portait pas bien. Pas de couches, pas de lait - nous n'avions rien. Depuis que nous sommes arrivés ici, elle a attrapé une grippe, un rhume et elle a des quintes de toux. Si vous avez besoin d'une thérapie par la vapeur, vous n'en trouvez pas. Les médicaments ne sont pas disponibles. Sa bouche est infectée. Même les vêtements ne sont pas disponibles. Nous cherchons partout pour trouver ce dont nous avons besoin, mais ce n'est pas assez chaud pour elle. »
Près de 1 million de femmes et de filles déplacées à Gaza sont confrontées à de graves difficultés pour accéder à des produits d'hygiène de base, ce qui aggrave encore plus leurs conditions de vie déjà désastreuses. Beaucoup ont eu recours à des matériaux improvisés comme des bandes de leurs tentes et des morceaux de vêtements comme serviettes hygiéniques, tandis que certaines ont eu recours à des comprimés de noréthistérone, généralement utilisés pour les troubles menstruels, dans le but d'arrêter leurs cycles menstruels. Et pour certaines femmes, le stress extrême et la privation de nourriture au cours des six derniers mois ont provoqué des perturbations dans leurs cycles menstruels.
Dans les prisons Israéliennes, des femmes Palestiniennes ont témoigné d'effroyables incidents de torture et de violences sexuelles après le 7 octobre. Le Centre des Femmes pour l'Aide Juridique et le Conseil en Palestine a rédigé un rapport qui a été soumis au Représentant Spécial des Nations Unies pour la Violence Sexuelle dans les Situations de Conflit, décrivant des menaces de viol et d'agression sexuelle, des fouilles à nu dégradantes des prisonnières, des fouilles à nu collectives, du harcèlement sexuel verbal et l'utilisation des menstruations comme moyen de pression physique et psychologique sur les femmes emprisonnées. Cela comprend la privation des femmes de serviettes hygiéniques, de produits d'hygiène et de vêtements lavés, la restriction d’utiliser les toilettes, la violation de leur vie privée, l’obligation de retirer le hijab, la prise de photos et la diffusion de leurs images sur des téléphones personnels, et l’obligation de rester dans des pièces surpeuplées.
La journaliste et écrivaine Lama Khater a témoigné qu'après son arrestation, elle a été menacée de viol et d'agression sexuelle :
« J'étais entourée de 20 enquêteurs et officiers de renseignement, et j'étais menottée et j’avais les yeux bandés. Les officiers ont commencé à me menacer de viol pour m'humilier. La façon dont ils discutaient des différentes formes de viol était tellement odieuse. »
Dans un autre témoignage, Ahed Tamimi a décrit comment elle avait été déshabillée et battue répétitivement sur tout son corps à trois reprises :
« J'ai été déshabillée, emmenée dans une salle de bain et battue sur tout mon corps alors que je gisais par terre. »
Hanan Barghouthi a décrit son calvaire de harcèlement sexuel comme suit :
« Les mains des soldats touchaient diverses parties de mon corps, notamment la poitrine, sous prétexte de me tenir par peur de tomber. Leurs attouchements m'ont fait crier à tue-tête, leur disant de me laisser tranquille, de rester loin de moi, de ne pas me toucher. Mais en vain. »
Dans le cadre des guerres génocidaires, les corps des femmes deviennent souvent un champ de bataille de la sexualité et une cible de violence pour ceux qui ont des agendas coloniaux. L'État d'Israël reconnait que les entrailles sont une arme pour le peuple Palestinien. Dans son attaque contre la maternité Palestinienne, Israël a tenté de fragmenter l'identité nationale, de démanteler les structures sociales résistantes et de contrôler leur augmentation démographique. Et comme cela a été clairement démontré au cours des six derniers mois à Gaza, Israël a également pris les femmes comme cibles de la "nécro-puissance" des forces israéliennes – une puissance exercée en infligeant la mort. Mais comme le reconnaissent de nombreux Palestiniennes et Palestiniens, les entrailles ne sont pas une arme de mort mais une arme de vie - une sorte "d’Arme Biologique". Et en tant que symbole et moyen de reproduction de la nation, les entrailles incarnent l'espoir du peuple pour l'avenir au milieu d'une telle violence et d’un tel désespoir, même si les cessez-le-feu sont bloqués et violés à plusieurs reprises.
Si nous ne mettons pas fin à la guerre… la guerre nous mettra fin. H.G. Wells
Tami Rafidi est une militante politique et militante des droits humains palestinienne, actuellement Responsable des Programmes au bureau de la Fondation Friedrich Ebert en Palestine. Tami a obtenu sa licence en Langue et Littérature Anglaises ainsi que sa maîtrise en Études Internationales à l'Université de Birzeit en Palestine.
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de la Friedrich-Ebert-Stiftung.
+961 1 202491+961 1 338986feminism.mena(at)fes.de
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