La punition est considérée comme un remède aux maux de la société. Pourtant, elle touche certaines communautés plus que d’autres; c’est le cas de la communauté des travailleur·se·s du sexe trans, au sein de laquelle la punition fait partie du quotidien.
Il m’est difficile de parler de punition sans repenser à ma propre enfance, aux fois où mes parents me réprimandaient pour une erreur, ou pour ne pas avoir été à la hauteur de leurs attentes.
Nos premières punitions sont vécus au sein de la famille, cette institution qui nous initie à la discipline, à l’autorité et aux normes sociales. Des chercheur·se·s comme Adrian Howe ont exploré la nature genrée du châtiment, en soulignant comment la famille , la structure sociale qui nous est la plus proche, nous apprend à nous comporter en tant que femmes, à exister dans les rôles qui nous sont assignés, et à nous conformer aux valeurs et aux normes établies par nos sociétés.
Nous pensons souvent que le châtiment genré relève de l’intimité familiale, entre les parents et leurs enfants. En ce sens, il est perçu comme un outil d’éducation, plutôt que comme un instrument de terreur, de discipline, et le fruit d’un système corrompu.
Mais le châtiment familial est aussi une manifestation du châtiment d’État. Il est l’extension d’un système patriarcal plus vaste, réduit à l’échelle du foyer. Ce n’est qu’en déconstruisant ces micro-structures punitives et leurs logiques que nous pouvons réfléchir aux multiples façons dont la punition dépasse l’enfermement et l’incarcération.
La punition est souvent justifiée par quatre objectifs : la rétribution (punir les auteur·e·s pour les torts causés), la dissuasion (décourager les futurs délits en montrant les conséquences), la réhabilitation (réformer les auteur·e·s pour prévenir les récidives), et l’incapacitation (isoler les auteur·e·s de la société pour éviter de nouveaux torts). L’ouvrage critique le plus (im)populaire sur le sujet est sans doute Surveiller et punir de Foucault. Bien qu’influente, cette œuvre a été retravaillée à travers des perspectives genrées et intersectionnelles, la rendant plus pertinente pour les analyses féministes.
La punition ne se limite plus aux quatre murs d’une cellule de prison surpeuplée. Elle fait désormais partie intégrante de nos souffrances quotidiennes. Nous n’avons pas accès à nos besoins et droits fondamentaux, y compris les soins de santé, l'éducation, etc. Sans aucun soutien de l’État ou des systèmes, nous sommes forcé·e·s de nous débrouiller seul·e·s, opérant constamment en mode survie. C’est particulièrement vrai pour les personnes trans, à qui l’on refuse majoritairement un logement adéquat, une éducation, des soins de santé, des opportunités économiques, un soutien social et une protection juridique. Cela les laisse avec très peu d’options, où le travail du sexe devient un mécanisme de survie pour certain·e·s, et une attente sociale pour tou·te·s. Lorsqu’on passe ses journées à essayer de garder un toit au-dessus de sa tête, on n’a ni l’espace pour espérer, ni le luxe de rêver ou de penser à l’avenir, surtout dans un système qui profite de nos souffrances et nous rend responsables de notre propre précarité.
Celles et ceux qui se tournent vers le travail du sexe continuent de souffrir, malgré les idées reçues selon lesquelles ce travail offrirait un certain pouvoir. La stigmatisation historique de la transidentité, combinée à son intersection avec le travail du sexe, aggrave encore la marginalisation. Même au sein des communautés de travailleur·se·s du sexe, les personnes trans sont isolées, exclues de tout réseau social de soutien, ce qui les rend encore plus vulnérables à la violence.
La transidentité est traitée à la fois comme un crime et comme une punition dans nos sociétés binaires rigides. Il est difficile de saisir toute la portée de cette réalité, et encore plus d’imaginer à quel point celle-ci peut s’aggraver lorsqu’on appartient à une communauté historiquement et systématiquement marginalisée. La véritable punition, c’est de se voir retirer ses privilèges, sa liberté, et son droit d’exister de manière visible et assumée. C’est une forme de châtiment qui dépasse les murs de la prison pour s’étendre à la vie publique, au quotidien.
Les personnes trans vous diront que le « dehors » et le « dedans » ne sont plus si différents. Dans les deux mondes, on est sous surveillance constante, exposé·e·s à des violences visant à discipliner nos existences et à nous forcer à nous conformer au genre qui nous a été assigné à la naissance. C’est à travers cette logique systémique que l’incarcération est devenue légitime, intégrée dans la punition sociale exercée par la famille et la société.
Certain·e·s militant·e·s, dans l’esprit du féminisme de la deuxième vague, ont pris à cœur la lutte pour l’égalité et l’inclusion. Mais en intégrant les morales punitives de leur enfance dans leur militantisme, iels en ont limité la portée. Demander le respect du genre d’une personne incarcérée est certes une reconnaissance, mais ne devrait-on pas aussi se poser la question de pourquoi iels sont incarcéré·e·s en premier lieu ?
Prenons l’exemple d’un.e travailleur.se du sexe trans incarcéré.e pour sollicitation. Des activistes du Nord global militeraient pour qu’iel soit placé.e dans une prison correspondant à son identité de genre et s’en féliciteraient s’iels y parvenaient. Mais ces « gestes » sont à la fois superficiels et erronés, car ils évitent la question centrale : pourquoi devrait-on être incarcéré·e pour avoir utilisé son propre corps et sa sexualité pour subvenir à ses besoins ?
Il ne peut y avoir de respect de l’identité de genre quand tout le système ne respecte pas votre existence. Les systèmes de justice pénale sont conçus pour servir l’élite et ciblent de manière disproportionnée les groupes marginalisés comme les travailleur·se·s du sexe trans, qui sont puni·e·s simplement pour tenter de survivre.
On ne peut pas résoudre un problème en le rendant plus inclusif des communautés marginalisées; on peut seulement commencer à en reconnaître les échecs en comprenant comment il est à la base même de ces marginalisations. Il faut reconsidérer notre manière d’aborder les luttes pour la justice sociale. C’est alors qu’on comprendra que coller des étiquettes « inclusives » ou « intersectionnelles » sur des systèmes pourris n’est pas du progrès.
Alors que les gouvernements réduisent les financements et s’opposent aux valeurs progressistes comme l’inclusion et la justice de genre, il est frappant de voir combien d’organisations féministes du Nord global s’alignent sur les agendas conservateurs dominants. En priorisant leur survie financière, ces organisations ne compromettent pas seulement leurs valeurs : elles trahissent la cause qu’elles prétendent défendre, creusant davantage le fossé entre le Nord et le Sud global.
Alors que le discours abolitionniste prend de l’ampleur à l’échelle mondiale, il reste souvent étouffé par les voix issues de la sphère néolibérale du Nord, où le changement est perçu comme une responsabilité individuelle.
Mais la lutte pour un avenir abolitionniste ne peut pas se faire en isolement, car le pouvoir réside dans la communauté, et rien ne menace autant les systèmes oppressifs que l’unité. Les luttes pour la justice sociale ont parfois divergé, tiraillées par des agendas ou visions concurrentes. Mais aujourd’hui plus que jamais, il est urgent de revendiquer un féminisme fondé sur la solidarité, la résistance et la libération collective. Les systèmes que nous combattons dépendent de notre fragmentation — notre force réside dans le refus d’être divisé·e·s.
Summer El Samra est une travailleuse sociale, sociologue novice et chercheuse libanaise. Elle est diplômée en travail social et poursuit actuellement un master en sociologie. Ses champs d’intérêt et de travail incluent les droits et la santé sexuelle et reproductive, la libération trans, les droits des travailleuses domestiques migrantes, et les chats.
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de la Friedrich-Ebert-Stiftung.
+961 1 202491+961 1 338986feminism.mena(at)fes.de
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