Cet article traite du statut des ouvrières agricoles dans le Monde Arabe, en examinant les défis affrontés en raison du changement climatique. Il explore également l’intégration de leurs préoccupations dans les priorités d’une transition juste.
Le secteur agricole dépend largement des femmes, car elles jouent un rôle important dans les économies de nombreux pays agricoles, en particulier dans le Monde Arabe. En fait, les femmes constituent 22% de la main d’œuvre agricole totale dans cette région (1). Malgré cela, elles sont souvent privées des normes nécessaires pour effectuer un travail décent. Bien que certains pays Arabes, tels que la Tunisie, l’Égypte et le Maroc aient établi des cadres de travail juridiques englobant le droit de fonder des syndicats et d’accéder à l’assurance maladie et sociale, une disparité demeure entre les dispositions juridiques et leur mise en œuvre de façon pratique. Par exemple, les ouvrières agricoles ne peuvent pas accéder facilement à des systèmes solides de protection sociale, et l’absence d’une base de données actualisée classant le travail agricole par genre aggrave le problème. De plus, la nature transitoire du travail agricole saisonnier signifie qu’un salaire stable n’est pas toujours garanti.
En plus de renforcer les pratiques discriminatoires qui exacerbent la marginalisation et la violation des droits des ouvrières agricoles, elles font face également à la violence économique à travers le déni des droits de propriété foncière. Les statistiques nationales et internationales, y compris le rapport de la FAO de 2018, soulignent que la propriété des exploitations agricoles par les femmes dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est inférieure à 5%.
L’environnement du travail agricole présente des menaces, des risques et des dangers professionnels divers qui affectent les femmes de manière disproportionnée – comme les maux de dos – et obligent les agricultrices à persister en raison de nécessités financières, tout en assumant le fardeau des frais médicaux. Cette situation a mené l’Irak à qualifier le travail agricole de travail dangereux et exigeant (2).
À ces conditions de travail précaires, qui ne parviennent pas à sortir les femmes de la pauvreté, s’ajoutent celles où les femmes portent le fardeau du travail de soins, nécessitant des efforts physiques et d’innombrables heures de travail domestique. De plus, au sein du système capitaliste patriarcal, les femmes sont confrontées à un déluge de tactiques d’exploitation, de marginalisation et d’exclusion des rôles de prise de décisions.
Tous ces facteurs se réunissent pour rendre le chemin des ouvrières agricoles ardu et semé de dangers, auxquels viennent s’ajouter les impacts du changement climatique. En fait, certains pays Arabes font face à de graves périls tels que l’élévation du niveau de la mer et l’intensification des précipitations, entrainant des inondations qui couvrent les terres agricoles dans des pays comme l’Égypte et le Soudan. À l’inverse, d’autres pays, comme la Tunisie et le Yémen, sont confrontés à des sources d’eau asséchées et à une désertification croissante, aboutissant à une réduction significative des terres arables. Les conséquences vont au-delà d’une simple perte d’emploi, puisque des centaines de familles sont contraintes de migrer à la recherche d’un abri. Ce bouleversement accroît les responsabilités des femmes, qui doivent assurer la nourriture et l’eau dans un environnement dépourvu d’installations sanitaires adéquates. Par conséquent, l’exposition des ouvrières agricoles à des formes doubles et multiples de violence s’intensifie, englobant l’adversité économique due à la perte d’emploi et les préjudices physiques et sexuels liés aux déplacements forcés.
Les voies à suivre pour atteindre les Objectifs de Développement Durable d’ici 2030 et les principes d’une transition juste sont intrinsèquement liées. La réalisation de ces deux objectifs dépend d’un effort concerté qui reconnait l’interdépendance des dimensions économiques, sociales et environnementales, englobant diverses populations du monde entier.
Cependant, le chemin vers une transition équitable reste semé de défis dans les pays Arabes en proie à des conflits armés et à des guerres, à l’épuisement des ressources, à une stagnation du développement et à des déplacements massifs. À ces difficultés s’ajoutent les crises économiques dans divers pays Arabes résultant d’évènements mondiaux et de conflits avec les institutions financières internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Ces organismes imposent des conditions de prêt injustes, prônant la privatisation, la réduction des subventions et des mesures d’austérité.
Il incombe aux régimes Arabes de reconnaître la gravité de persister dans ces circonstances. Une évolution vers la stabilité nécessité des politiques innovantes qui facilitent la transition vers des économies socialement et écologiquement durables. Une telle évolution pourrait potentiellement devenir un puissant catalyseur pour la création d’emplois, l’équité sociale, l’éradication de la pauvreté et la gestion durable des ressources naturelles. Cela englobe la formulation de politiques agricoles durables, exigeant la participation active de toutes les parties concernées au processus de production.
Les efforts visant à intégrer les considérations de genre et à améliorer l’accès à des services respectueux de l’environnement doivent être poursuivis à une échelle abordable, en particulier pour les habitants des zones rurales qui dépendent fortement d’un soutien. Atteindre cet objectif nécessite un dialogue social impliquant les divers participants au processus de production, et caractérisé par une représentation équitable des femmes dans ces discussions.
Il est nécessaire que de tels dialogues englobent les nuances d’une transition juste qui inclut des politiques agricoles durables et un engagement équitable des ouvrières agricoles. Ces conversations doivent se dérouler dans un cadre équilibré et impartial, accueillant tous les participants au processus de production. Une condition préalable à cette réalisation est l’élimination systématique des obstacles à la représentation équitable des ouvrières agricoles.
Les efforts visant à intégrer les ouvrières agricoles dans une transition juste nécessitent des actions de la part des gouvernements et des organisations syndicales, notamment les suivantes :
En plus de ces mesures, il est essentiel de prendre en considération les recommandations suivantes :
La Protection Sociale : Les gouvernements doivent établir des systèmes de protection sociale conformes aux normes internationales du travail pour répondre efficacement aux ramifications et aux défis causés par le changement climatique. Des politiques doivent être conçues pour lutter contre toutes les formes de violence genrée, englobant des mesures préventives et des mécanismes de soutien. Une allocation adéquate du budget de l’Etat pour ces efforts est essentielle. Des modifications législatives devraient être introduites pour accorder aux ouvrières agricoles un congé de maternité payé, les organismes d’assurance sociale étant chargés d’assurer la couverture salariale durant cette période. Le Ministère des Affaires Sociales devrait également fournir des services de garde d’enfants accessibles aux enfants des ouvrières agricoles, avec des tarifs réduits.
Le Développement de Compétences : À la lumière des opportunités réduites pour les ouvrières agricoles en raison du changement climatique, il est urgent de créer de nouvelles perspectives d’emploi. Cela implique l’élaboration de programmes de réadaptation, de transition et de progrès professionnel adaptés à ces ouvrières. Cette approche vise à leur fournir des possibilités d’emploi alternatives, englobant l’engagement dans la production agricole et le renforcement de leur capacité à gérer les micro-entreprises, ainsi que les petites et les moyennes entreprises. Il faudrait bien sûr mettre l’accent sur les secteurs liés à l’agriculture, en favorisant la formalisation de ces entreprises à travers des méthodologies coopératives. Cette approche cherche à renforcer la résilience financière et les efforts collectifs des ouvrières agricoles.
La Sécurité et la Santé au Travail : La hausse des températures est corrélée à une augmentation des taux de maladies parmi les ouvriers et ouvrières agricoles. Par conséquent, la mise en œuvre de systèmes d’évaluation des risques sanitaires devient impérative, associée à la mise en place des mécanismes de prévention et de protection nécessaires.
Aucune nation ne peut résister seule aux impacts du changement climatique. C’est pourquoi l’action collective est impérative, la société civile et les syndicats des pays Arabes devant exercer dans ce cas une pression sur les gouvernements et la communauté internationale. Cette pression devrait viser à garantir le respect des obligations concernant l’adoption et l’exécution de politiques internationales qui répondent résolument aux défis du changement climatique. Il est essentiel que ces politiques englobent tous les groupes marginalisés, en particulier les ouvrières agricoles.
Mona Ezzat est une conseillère experte dans l’autonomisation économique et sociale ainsi que dans les questions de genre au sein de plusieurs organisations internationales. Elle se vante d’avoir un vaste portefeuille d’articles et de recherches publiés aux niveaux national et Arabe.
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas nécessairement celles de la Friedrich-Ebert-Stiftung.
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