03.07.2023

Mobilisations féministes face aux interventions des IFI

Cet article met en lumière les interventions néolibérales menées par les Institutions Financières Internationales (IFI) et leur rapport avec le militantismse et l’action féministes dans la région MENA.

Cet article propose l’élaboration de stratégies et d’actions contre les interventions néolibérales des Institutions Financières Internationales (IFI), telles que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI), dans les Pays du Sud qui doivent être la priorité principale du militantisme féministe en la région  MENA. L’article, à travers une analyse des mesures et des politiques imposées par ces institutions, et de leur discours sur l’égalité des genres, souligne comment les interventions de ces institutions minent et affaiblissent le travail et les agendas féministes. Par conséquent, cet acte entrave la poursuite de la justice sociale et économique et la capacité d’envisager des alternatives et des réalités féministes. L’article conclut en proposant des stratégies et des actions féministes de solidarité et de défense pour combattre les interventions néolibérales des IFI.

L'agenda néolibéral des IFI

Les missions et les visions déclarées et promues par le FMI et la Banque Mondiale tournent autour du soutien des gouvernements pour assurer une croissance économique durable, avec une attention particulière portée sur « la stimulation de la prospérité des pauvres » et « l’augmentation des revenus des 40% les plus pauvres » dans les pays « en voie de développement ». Cependant, cette notion de croissance économique est fondée sur les principes du marché libre et sert principalement les intérêts des corporations et des  entreprises privées qui opèrent dans ces pays. Les ajustements imposés par le FMI et la Banque Mondiale donnent souvent la priorité à la privatisation au détriment de la protection sociale et du bien-être général des groupes et des communautés. Dans le cadre de la privatisation néolibérale, le poids de ces réformes incombe à des individus considérés dépourvus des compétences et des capacités nécessaires pour accéder au marché du travail formel et être compétitifs efficacement. En conséquence, les solutions proposées  se concentrent sur l’investissement dans les compétences individuelles qui peuvent être exploitées pour la croissance économique du marché.

Dans le même cadre, le discours des institutions sur l’égalité des genres se focalise l’analyse des impacts économiques et financiers de l’inégalité des genres. Il met l’accent sur la valeur économique de l’égalité des genres, souvent mesurée en termes de PIB et de croissance économique. Les pays qui présentent des inégalités des genres sont perçus comme compromettant leur potentiel économique, et les solutions suggérées pour faire face aux défis économiques impliquent souvent une plus grande privatisation et une concurrence accrue sur le marché, plutôt que de développer des structures économiques alternatives qui donnent la priorité aux droits et aux besoins des individus et des communautés. Par conséquent, le discours sur l’égalité des genres et les projets développés par les IFI dans ce contexte ont tendance à regarder les femmes, en particulier les plus marginalisées, à travers une perspective néolibérale.

Les solutions proposées pour lutter contre l’inégalité des genres tournent souvent autour de la facilitation de l’accès des femmes au marché tout en leur « donnant les moyens » de devenir plus indépendantes. Dans ce cadre, c’est le marché et le profit qui priment , et investir dans les individus et résoudre les problèmes sociaux correspondent à des bonnes pratiques économiques.

Finalement, les interventions des IFI exploitent la notion selon laquelle les « pays en voie de développement » se caractérisent par des niveaux élevés d’inégalité des genres. Ce fait est utilisé pour justifier les interventions continues des IFI dans ces pays, se positionnant comme les sauveurs des femmes et les experts dans la lutte contre l’inégalité des genres. L’égalité des genres devient un sujet exploité par les IFI, puis par les gouvernements, pour faire avancer et promouvoir leurs agendas néolibéraux.

Stratégies féministes face aux interventions des IFI

Les IFI ont considérablement influencé les mouvements de femmes en promouvant des discours et des projets féministes néolibéraux au niveau national.. Cependant, à travers cette cooptation et cette mobilisation du féminisme pour servir les intérêts des IFI, les interventions de ces dernières affaiblissent et diminuent les réalisations de longue date des féministes dans leur quête  de l’égalité de droits et d’un accès égal aux ressources. Ces interventions entravent également le progrès réalisé en vue de démanteler les structures économiques et sociales qui perpétuent l’oppression des femmes, des groupes marginalisés et des communautés.

Les féministes du monde entier ont déjà mené des analyses sur les impacts des politiques d’ajustements structurels sur les groupes et communautés marginalisés. Ils ont mis l’accent sur les manières spécifiques dont ces politiques ont affecté la vie des individus et des communautés. En outre, les féministes ont examiné le rôle des IFI dans la promotion d’une forme néolibérale de féminisme et l’adoption des agendas féministes.

Les stratégies et actions féministes pour combattre cette cooptation et pour résister aux interventions des IFI dans les Pays du Sud impliquent des analyses permanentes et une mise en lumière des différentes formes de cooptation du féminisme dans les discours et les actions de la Banque Mondiale et du FMI. Ces stratégies englobent également l’encadrement de ces interventions et de ces cooptations dans le contexte des structures de pouvoir existantes entre les Pays du Nord et les Pays du Sud.

Il est également important de mettre en lumière les intérêts des gouvernements des Pays du Sud à imposer des mesures d’austérité, à mettre en œuvre des projets de développement imposés par les IFI, et à bénéficier des politiques d’ajustement structurel imposées par la Banque Mondiale et le FMI. De telles analyses et efforts de résistance sont essentiels dans le discours féministe.

En examinant et en exposant de manière critique ces dynamiques, les féministes peuvent défier la cooptation du féminisme et les interventions des IFI, et mettre en avance des approches alternatives qui donnent la priorité aux droits et aux besoins des individus et des communautés,  et qui  revendiquent une redistribution des pouvoirs et des ressources.

L’organisation, la construction d’alliances transnationales et la promotion de la solidarité entre les féministes et d’autres acteurs progressistes de la région MENA et les Pays du Sud sont essentielles pour résister à la cooptation du féminisme par les institutions internationales. Ces efforts sont également importants pour s’opposer aux interventions des IFI qui entravent le progrès pour assurer une justice sociale et une justice de genre. Les féministes et les acteurs progressistes de la région doivent collaborer pour développer des stratégies et des actions transfrontalières visant à établir des alternatives socio-économiques plus équitables. Ces alternatives devraient lutter contre l’exploitation et l’accumulation des profits par les institutions privées, qui se font souvent au détriment des individus et des communautés.

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